Avec Vernon Subutex, Virginie Despentes nous embarque dans une traversée de Paris mouvementée ! Vernon Subutex, c’est un disquaire qui subit le déclin de l’industrie du disque et se retrouve à la rue. Squattant à droite à gauche, il retrouve d’anciennes connaissances et fait de nouvelles rencontres. C’est donc une véritable galerie de personnages et de types sociaux de notre époque contemporaine que nous allons suivre durant cette balade.
Bonne route !
Édition utilisée
Cartographie des lieux
Tome 1
Selon un article de l’Express, Virginie Despentes a imaginé Revolver proche du métro Goncourt, près de l’église de la rue Saint-Maur, à deux pas des magasins de disques actuels comme Ground zero et Music Please Record Shop. La photo est donc une évocation du magasin de disques que tenait Vernon Subutex.
1. Revoler – Music Please Record Shop
Son magasin s’appelait Revolver. Vernon y était entré comme vendeur à vingt ans et avait repris la baraque à son compte quand le boss avait décidé de partir en Australie, où il était devenu restaurateur. Si on lui avait dit, dès la première année, qu’il passerait l’essentiel de sa vie dans cette boutique, il aurait répondu sûrement pas j’ai trop de choses à faire. C’est quand on devient vieux qu’on comprend que l’expression « putain ça passe vite » est celle qui résume le plus pertinemment l’esprit des opérations. Il avait fallu fermer en 2006.
p. 13
2. Élysée Montmartre
Vernon Subutex apprend la mort de plusieurs personnes de son entourage en peu de temps.
Vernon attendait devant l’Elysée Montmartre, qui n’avait pas encore brûlé et où jouaient les Libertines. Il cherchait à serrer une improbable assistante-stagiaire qui bossait sur une émission d’Ardisson, elle ne parlait que de l’animateur, qu’elle prétendait détester mais qui la fascinait. Il avait vu un pote, de loin, devant la salle, et l’avait hélé, content de montrer la fille avec qui il était, une brune à frange jean cigarette talons aiguilles, comme la capitale en produisait en série au début du millénaire. Et le pote en le voyant s’approcher avait pleuré. Il disait Pedro Pedro Pedro, sans pouvoir s’expliquer, et une immense fatigue avait envahi Vernon.
p. 26
3. Avenue des Gobelins
Vernon Subutex, incapable de payer son loyer, a été expulsé de son appartement.
La ville sans argent, Vernon la pratique depuis un moment. Salles de ciné, magasins de fringues, brasseries, musées – il y a peu d’endroits où l’on puisse s’asseoir au chaud sans rien payer. Restent les gares, le métro, les bibliothèques et les églises, et quelques bancs qui n’ont pas été arrachés pour éviter que les gens comme lui s’assoient gratuitement trop longtemps. Les gares et les églises ne sont pas chauffées, l’idée de frauder le métro avec sa valise le démoralise. Il remonte l’avenue des Gobelins, vers la place d’Italie. Il a de la chance, un soleil franc éclaire les rues, alors qu’il a plu tous ces derniers jours. Il aurait suffi qu’il tienne un mois de plus et c’était le début de l’hiver légal.
p. 45
4. Barbès-Rochechouart
Vernon Subutex a dormi chez une ancienne amie, Emilie. Le matin, il quitte son appartement après l’avoir convaincue de lui prêter son ordinateur, en lui laissant, en gage, les enregistrements qu’Alex Bleach, chanteur reconnu et ami commun récemment décédé, lui avait confiés.
Barbès, c’est la cohue dès le matin, il se fraye un chemin, son sac sur l’épaule. Les corps sont aux aguets, ils cherchent l’argent. Cartouches de clopes, parfums et sacs contrefaits, on le prend par le bras pour lui montrer des choses, il fait le mec qui va quelque part, pour ne jamais croiser le regard de celui ou celle qui l’arrête. Il avance vite, il sait que passé Pigalle, la circulation se fera plus tranquillement.
p. 64
5. Le Globe
La Hyène attend Laurent Dopalet, producteur de films, dans un bar.
La Hyène s’installe dans la salle du fond et vérifie machinalement qu’elle n’a pas reçu de message sur son portable. Comme souvent dans l’après-midi, le Globe est vide. C’est un bar de quartier, dans la journée on y croise de jeunes barbus en djellaba et chaussures de sport fluo, de vieilles pochtronnes de bonne humeur et quelques commerçants locaux. A l’heure de l’apéro, aux alentours de l’happy hour, le bar se transforme en plate-forme branchée de jeunes bourrés décidés à faire la fermeture, qui veillent à ce qu’aucun voisin ne dorme pendant qu’ils fument des clopes sur le trottoir. La Hyène surveille l’horloge de son téléphone, agacée du retard de son interlocuteur. Laurent Dopalet aime qu’elle lui donne rendez-vous dans des bars qui lui paraissent exotiques, éloignés des arrondissements qu’il fréquente.
p. 125
6. Mécano Bar
Lydia Bazooka publie sur internet des articles sur Alex Bleach. Elle a contacté Vernon Subutex car elle veut faire une biographie d’Alex. Elle part rejoindre des amis au Mecano et guette les réponses de Vernon Subutex sur Facebook.
Elle jette quand même un oeil à son iPhone, toujours aucune news de Vernon. C’est ennuyeux. Paul la voit faire :
– Tu attends quelqu’un ?
– Non. Je surveille d’un oeil. Tu sais, j’écris la biographie d’Alexander Bleach et j’attends la réponse d’un ami à lui, on doit se voir pour un entretien et il est en train de me planter…
Ils ont entrecroisé leurs chevilles, les mains sont au-dessus de la table, elles ne participent pas. Ce qu’elle aime ses yeux – sa façon de sourire avec le regard. Ca fait des mois qu’ils se tournent autour et qu’ils n’ont jamais trouvé l’occasion.
p. 171-172
7. Gare d’Austerlitz
La Hyène poursuit ses recherches pour Dopalet. Il lui a demandé de retrouver un Xavier scénariste, rencontré en soirée, qui lui a parlé d’enregistrements d’Alex Bleach. Elle contacte une ancienne connaissance, Sélim, qui était le compagnon de Vodka Satana, avant qu’elle ne prenne ce pseudo et se lance dans le porno. Sélim la renseigne sur Xavier et, inquiet pour sa fille Aïcha obsédée par le Prophète, demande à la Hyène d’accompagner cette dernière à Barcelone.
Elles ne s’étaient guère parlé, avant de monter dans le train. Le quai de la gare était désert, à cette heure, les passagers ressemblaient à des fantômes. La Hyène avait voyagé dans ce train des dizaines de fois, elle aimait cette atmosphère anachronique. Les wagons sortaient d’un autre siècle, et n’avaient pas changé. Elle était contente de le prendre une dernière fois. Le train de nuit devait bientôt disparaître. Trop coûteux.
p. 271
8. Buttes Chaumont
Sophie, la mère de Xavier, sort d’un déjeuner avec son fils, sa belle-fille et sa petite-fille et se retrouve aux Buttes-Chaumont.
Mais cet après-midi, elle a envie de voir des arbres dans Paris, de prendre une bière en terrasse loin du bruit des voitures. Elle se force à entrer dans le parc. Sur le premier banc, elle dépasse la silhouette d’un SDF. Elle ne prête pas attention. Elle pense au poème de Prévert, le désespoir assis sur un banc. Elle est vaccinée, comme beaucoup de citadins, habituée à la misère des autres, mais toujours un peu honteuse de détourner la tête. Elle fait quelques pas, sans parvenir à chasser l’image de ses pensées. Un pauvre garçon, il est jeune, on voit à son allure qu’il n’est pas à la rue depuis longtemps mais on l’identifie tout de suite comme un gars sans maison. Alors elle ralentit. Elle connaît ce visage. Elle hésite. C’est absurde. Impossible. Elle revient sur ses pas.
– Vernon ? C’est vous ? Vous ne vous souvenez pas de moi ? Je suis la maman de Xavier. Vous vous souvenez ? Je repassais vos chemises à jabot quand vous dormiez à la maison.
p. 338
9. Apple Store Opéra
Après avoir squatté chez plusieurs connaissances et avoir fait la connaissance de Marcia, une transsexuelle dont il est tombé amoureux, Vernon Subutex se retrouve à nouveau à la rue.
Ce temps passé d’une rame à l’autre l’avait couvert d’une pellicule de crasse noire. Il a eu besoin de prendre l’air, il est remonté à la surface. Il a marché longtemps, en regardant les vitrines, comme un passant lambda. A Opéra, il s’est engouffré dans l’Apple Store pour se réchauffer. Les vendeurs en gilet bleu ne l’ont pas remarqué, il y avait trop de monde autour d’eux. Il est allé voir sur Facebook si Marcia lui avait laissé un message. Il a vu que non et il a quitté sa page. Il a essayé de lire la presse mais il galérait pour trouver un article qui l’intéresse, il a regardé des clips avec des filles dedans. Puis il a repris son chemin.
p. 345-346
10. Métro Pyrénées
Xavier, prévenu par sa mère et ayant été contacté par la Hyène au sujet des enregistrements d’Alex Bleach, part retrouver Vernon Subutex.
L’idée de chercher à récupérer l’enregistrement d’Alex lui paraît absurde. Ce pauvre tocard de Vernon a dû se faire braquer son sac depuis longtemps. C’est à sa mère que Xavier pense. Il ne peut pas lui faire ça. Elle le tient. Il lui a donné sa parole. il sort du McDo. Il traverse la rue et se plante devant Vernon. Le voyant s’approcher, la clodote lui décoche un sourire dégueulasse, « oh, monsieur, vous n’avez pas une cigarette? ». Vernon pose la main sur son bras pour la faire taire. Sans dire un mot, les deux hommes se défient du regard.
p. 389
11. Place Gambetta
Pendant que Xavier était en train de parler avec Vernon et Olga, la « clodote » qui était avec lui, un groupe venu se venger d’Olga s’en est finalement pris à Xavier qui a été emmené à l’hôpital. Vernon Subutex s’éclipse rapidement.
Une pluie fine et glacée lui trempe le dos. Le toucher de la ville. Vernon se contente d’avancer, sans se poser de questions. Il dépasse le cinéma aux lumières éteintes, peu de voitures circulent à cette heure-ci, il traverse la place Gambetta sans marquer de pause au bord des trottoirs, il ne détesterait pas sentir le choc violent de la tôle lui brisant quelques os. Il ne se souvient pas avoir ressentir un tel vide intérieur. Le signal est perçu, et ne déclenche rien. Il voit le rideau baissé du magasin de fleurs, les trois gamins bourrés avancer en titubant, une silhouette allongée sur le banc d’un arrêt de bus. Les événements de la nuit précédente défilent sous son crâne, sans susciter en lui la moindre réaction. Il s’est éteint. Il est un spectateur, un resquilleur de lui-même, un clandestin. Car finalement ça s’est produit : le vide l’a avalé.
p. 410
12. Butte Bergeyre
Vernon Subutex échoue sur un banc, butte Bergeyre pris par un accès de fièvre.
Je suis l’arbre aux branches nues malmenées par la pluie, l’enfant qui hurle dans sa poussette, la chienne qui tire sur sa laisse, la surveillante de prison jalouse de l’insouciance des détenues, je suis un nuage noir, une fontaine, le fiancé quitté qui fait défiler les photos de sa vie d’avant, je suis un clodo sur un banc perché sur une butte, à Paris.
p. 429
Tome 2
1. Butte Bergeyre
On retrouve Vernon Subutex sur la butte Bergeyre.
Il a été très malade. A présent la fièvre est retombée et il a retrouvé depuis plusieurs jours assez de force pour se tenir debout. Son esprit est affaibli. Ca reviendra, l’angoisse, ça reviendra bien assez tôt, se dit-il. Pour l’instant, rien ne le touche. Il est suspendu, comme cet étrange quartier dans lequel il a échoué. La butte Bergeyre est un plateau de quelques rues, auquel on accède par des escaliers, on y croise rarement une voiture, il n’y a ni feu rouge, ni magasin. Rien que des chats, en abondance. Vernon observe le Sacré-Coeur, en face, qui semble planer au-dessus de Paris. La pleine lune baigne la ville d’une lueur spectrale.
p. 16
2. Buttes Chaumont
Emilie cherche le Rosa Bonheur où elle doit rejoindre les autres qui sont à la recherche de Vernon Subutex et des enregistrements d’Alex Bleach qui étaient chez elle. Pamela Kant était venue la trouver pour les récupérer mais elle n’a pas voulu les lui donner. Le lendemain, elle trouve sa porte ouverte et s’aperçoit que les affaires de Subutex ont été volées.
Ils étaient convenus de se retrouver au Rosa Bonheur, le lendemain. Et elle en était là, à errer dans les Buttes-Chaumont en cherchant ce bar. Elle avait peur de ce qu’ils la regardent de travers, parce qu’au fond, si elle avait passé les cassettes à Pamela Kant, tout le monde serait quand même plus avancé. Patrice envoie un message – il est déjà arrivé. Emilie n’a pas la moindre idée d’où elle se situe, dans le parc. Ce qui est sûr, c’est qu’elle ne voit toujours pas le bac. Elle longe un lac artificiel, au bord duquel s’ébrouent de gros volatiles.
p. 68-69
3. Buttes Chaumont
Aïcha a dit à son père, Sélim, qu’elle a découvert via la Hyène que sa mère était Vodka Satana. Sélim, furieux, part aux Buttes-Chaumont pour trouver la Hyène.
Il traverse le parc des Buttes-Chaumont à grandes enjambées, jetant autour de lui des regards fulminants. Il dévisage les passants, roule des yeux déments. Il sait qu’il fait tout ce cinéma pour éviter de parler avec sa fille. Aïcha, quelques pas derrière lui, le suit en silence. Sélim a la mauvaise impression qu’elle n’est pas terrorisée à l’idée de ce qu’il fasse scandale, mais plutôt accablée de ce qu’il se donne en spectacle. Il lève les bras en l’air, comme un dingue. « Tu me fais chier, tu comprends ? Tu me fais chier ! Tu ne pouvais pas me parler dès que tu as su ? Depuis Barcelone, tu te rends compte ? Depuis Barcelone tu me mènes en bateau ! Je suis quoi, moi ? Je suis l’ennemi, moi, peut-être ? Tu ne crois pas que tu aurais dû parler avec ton père? »
p. 183-184
4. Palais de Tokyo
Dans l’enregistrement qu’il avait laissé à Vernon Subutex, Alex Bleach laisse entendre que Dopalet ne serait pas étranger à la mort de Vodka Satana. Sa fille Aïcha veut se venger. Elle prend pour cible le fils de Dopalet et veut perturber la conférence qu’il donne au Palais de Tokyo en toussant. Céleste, une amie rencontrée aux Buttes-Chaumont, l’accompagne.
Le Palais de Tokyo est plein. Un immense espace bétonné, avec des petits gâteaux à l’entrée, une librairie au milieu et ensuite des familles partout, avec des enfants qui courent. Céleste n’a plus mis les pieds dans un musée depuis qu’elle a arrêté les Beaux-Arts. Elle s’y est toujours fait royalement chier. Elle ignorait qu’entre-temps c’était devenu ambiance Aquaboulevard, moins les toboggans.
Elles se perdent assez longuement avant de dénicher, au sous-sol, une salle bas de plafond et privée de fenêtres où se déroulent les conférences. Une trentaine de personnes, mal assises, écoutent un garçon qui paraît catastrophé de devoir parler dans un micro. C’est pas un tribun-né, le gars, tu le sais dès que t’arrives. Aïcha murmure « c’est lui » et repérant qu’il y a des sièges vides au premier rang, elle décide de se faire remarquer un maximum et de s’installer devant. Elle n’a pourtant pas besoin d’insister pour qu’on s’intéresse à elle, ici, le voile produit son effet.
p. 236
5. Métro Saint-Paul
Anaïs, qui était l’assistance de Dopalet, vient se faire renvoyer. C’est en travaillant pour lui qu’elle a rencontré la Hyène dont elle est devenue l’amante. On la retrouve à Saint-Paul, sur le point d’aller la rejoindre.
Dopalet l’appelait parfois à vingt-trois heures en lui demandant de descendre prendre un verre avec lui, parce qu’il avait besoin de parler. Il savait qu’elle vivait seule. Elle se rhabillait, se remaquillait, sautait dans le taxi qu’il lui envoyait et le rejoignait. Elle l’écoutait pendant des heures. Il ne lui a jamais demandé comment elle allait. Elle lui était reconnaissante de ne pas insister, quand il lui proposait de l’accompagner « prendre un dernier verre dans une boîte ». Ils savaient l’un et l’autre de quel genre de boîte il s’agissait, elle déclinait en souriant, il la laissait partir. Il avait d’autres filles, pour ça, dans son répertoire. Elle ne s’en faisait pas pour lui, de ce côté. Elle rentrait se coucher à deux heures du matin, exténuée, sans oublier de régler son réveil à six heures, le lendemain, pour avoir le temps de se préparer avant d’arriver au bureau.
Elle sort à la station Saint-Paul. Elle va passer devant le HellBabe. Elle pourrait envoyer un texto, pour prévenir. Mais la Hyène n’aime pas qu’on se serve de son numéro de portable, sauf pour le boulot.
p. 273-274
6. Rosa Bonheur
Le groupe a pris l’habitude de se retrouver aux Buttes Chaumont et d’aller parfois au Rosa Bonheur où il arrive que Vernon Subutex mixe.
Quand Vernon prend les platines au Rosa, on ferme le bar. On dit que c’est soirée privée, qu’ils répètent pour la chorale, histoire de laisser les initiés communier tranquilles. Même Gaëlle, pourtant réfractaire à toute forme de sentimentalisme, et plus encore si ça vire au mysticisme, admet qu’il se passe quelque chose. Vernon est doué pour créer une capsule. En début de soirée, elle note l’enchaînement des morceaux et maugrée dans son coin qu’il n’y a pas de quoi entrer en transe, mais au cinquième titre, approximativement, elle n’en mène pas plus large qu’un autre. Elle danse. C’est collectif, c’est une folie, ce serait idiot de se rétracter.
p. 285
7. Le Mistral
Alors qu’il l’avait mis K.O., Loïc a fini par se lier d’amitié avec Xavier.
Ils s’étaient retrouvés devant le Mistral, place du Châtelet. Loïc ne savait pas à quoi s’attendre. Ils auraient pu commencer par se la donner sur les berges, un peu plus loin, loyalement. Mais ils étaient trop vieux pour ça. Xavier avait baragouiné trois conneries, il avait botté en touche et ils s’étaient mis au comptoir. Loïc avait bien tenté un petit « la pelota no se mancha » mais l’autre n’avait pas relevé. Il s’était expliqué : les délires de Julien sur prendre le pouvoir en attaquant le pays par le trou de son cul : les plus pauvres. Comment il entraînait les autres. Et comment il s’était retrouvé, avec les potes, à s’embrouiller avec une folle qui dort dehors. Xavier avait rigolé, « avec Olga, vous étiez mal tombés, faut dire. La meuf n’a peur de rien, je te jure ». A la troisième bière, la glace était rompue.
p. 324
8. Châtelet-les Halles
Loïc s’est fait évincer du groupe avec lequel il traînait (ceux avec qui il était quand il s’est battu avec Xavier).
Il s’est tout particulièrement disputé avec son meilleur ami Noël, ce qui l’atteint profondément.
Loïc emprunte le couloir de la ligne 11 en pensant qu’il n’est pas si crevé que ça, il se sent capable de faire la journée. Il ne sera pas au top de sa forme, mais il faudra bien tenir.
Ça le change d’être à vingt minutes du boulot. A Châtelet, il prend le couloir pour sa correspondance. Il déteste cette station. L’ambiance gare de triage. L’impression d’être un rat dressé à courir vers son laboratoire d’embauche.
Il reconnaît les trois silhouettes, au virage. Elles disparaissent aussitôt. La fatigue et la drôle d’humeur se dispersent aussitôt. Il sait qu’il n’a pas rêvé. Il a reconnu Julien, Noël et Clovis. Il ralentit. Danger. Ils l’attendent. Embuscade. Il n’est plus à une bizarrerie près, de toute façon. Il fait demi-tour. Il hâte le pas en hésitant : sortir ou prendre le premier métro qui passe ?
p. 349