Balades littéraires

Arsène Lupin contre Herlock Sholmès

Nouvelle balade littéraire et, cette fois-ci, c’est avec un immense plaisir que je vous propose de partir sur les traces d’Arsène Lupin.

J’adore les aventures de ce célèbre gentleman-cambrioleur. Je suis loin de toutes les avoir lues mais j’ai l’intégrale d’Arsène Lupin et je sais que je ne suis jamais déçue quand je me plonge dedans.

J’ai choisi de vous embarquer dans “Arsène Lupin contre Herlock Sholmès” parce que je trouve génial ce clin d’oeil au célèbre détective anglais (pour information : Maurice Leblanc avait d’abord fait appel à Sherlock Holmes mais il s’est fait remonter les bretelles et a modifié le nom par la suite).

Cette aventure est en fait composée de deux récits : “La Dame blonde” et “La Lampe juive”. Pour ce qui nous concerne, nous nous limiterons à “La Dame blonde” mais ne vous en faîtes pas, nous aurons de quoi nous occuper car de nombreux mystères seront à résoudre !

Bonne balade ! 

 

Édition utilisée

Cartographie des lieux

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1. Rue des Capucines

Le professeur Gerbois s’est fait voler un secrétaire dans lequel se trouvait un ticket gagnant de loterie. Suite à l’annonce des résultats, Arsène Lupin se manifeste et indique être détenteur du fameux ticket. S’engage alors un combat par voie de presse entre M. Gerbois et Arsène Lupin qui souhaitent tous deux faire valoir leurs droits. Arsène Lupin finit par proposer à M. Gerbois de diviser la somme en deux parts égales. En cas de refus, il menace de garder une part plus importante. M. Gerbois n’ayant pas donné suite à cette proposition, sa fille, Suzanne, est enlevée. Un voisin l’a aperçue quitter la maison en compagnie d’une dame blonde… Le ticket gagnant est retourné à M. Gerbois qui se rend au Crédit Foncier, rue des Capucines à Paris.

M. Gerbois n’était pas de force à soutenir une bataille qui commençait pour lui de façon si désastreuse. Inconsolable depuis la disparition de sa fille, bourrelé de remords, il capitula.
Une petite annonce parue à l’Echo de France, et que tout le monde commenta, affirma sa soumission pure et simple, sans arrière-pensée.
C’était la victoire, la guerre terminée en quatre fois vingt-quatre heures.
Deux jours après, M. Gerbois traversait la cour du Crédit foncier. Introduit auprès du gouverneur, il tendit le numéro 514-série 23. Le gouverneur sursauta.
– Ah ! vous l’avez ? il vous a été rendu ?
– Il était égaré, le voici, répondit M. Gerbois.
– Cependant, vous prétendiez… il a été question…
– Tout cela n’est que racontars et mensonges.

p. 21-22

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2. La Madeleine

M. Gerbois retourne au Crédit Foncier pour récupérer son gain. Là-bas, l’inspecteur Ganimard, assisté du brigadier Folenfant, guette dans l’espoir d’arrêter Lupin. Car, si M. Gerbois dit avoir égaré le ticket, personne n’est dupe et tout le monde a compris que l’argent de la loterie est désormais celui de la rançon pour récupérer sa fille. Ganimard va donc suivre M. Gerbois qui, il l’espère, le conduira au gentleman-cambrioleur.

M. Gerbois sortait. A l’extrémité de la rue des Capucines, il prit les boulevards, du côté gauche. Il s’éloignait lentement, le long des magasins, et regardait les étalages. – Trop tranquille, le client, disait Ganimard. Un individu qui vous a dans la poche un million n’a pas cette tranquillité.
– Que peut-il faire ?
– Oh ! rien, évidemment… N’importe, je me méfie. Lupin, c’est Lupin.
A ce moment, M. Gerbois se dirigea vers un kiosque, choisit des journaux, se fit rendre la monnaie, déplia l’une des feuilles, et, les bras étendus, tout en s’avançant à petits pas, se mit à lire. Et soudain, d’un bond il se jeta dans une automobile qui stationnait au bord du trottoir. Le moteur était en marche, car elle partit rapidement, doubla la Madeleine et disparut.
– Nom de nom ! s’écria Ganimard, encore un coup de sa façon !
Il s’était élancé, et d’autres hommes couraient, en même temps que lui, autour de la Madeleine.

p. 25

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3. Rue Clapeyron

Les soupçons de Ganimard sont avérés puisque M. Gerbois est bien parti retrouver Lupin qui lui a donné rendez-vous chez un avocat, maître Detinan, au 25 rue Clapeyron.

– Qu’il vienne, mon Dieu, qu’il vienne ! je donnerais tout cela pour retrouver Suzanne.
La porte s’ouvrit.
– La moitié suffira, monsieur Gerbois.
Quelqu’un se tenait sur le seuil, un homme jeune, élégamment vêtu, en qui M. Gerbois reconnut aussitôt l’individu qui l’avait abordé près de la boutique de bric-à-brac, à Versailles. Il bondit vers lui.
– Et Suzanne ? Où est ma fille ?
Arsène Lupin ferma la porte soigneusement et, tout en défaisant ses gants du geste le plus paisible, il dit à l’avocat :
– Mon cher maître, je ne saurais trop vous remercier de la bonne grâce avec laquelle vous avez consenti à défendre mes droits. Je ne l’oublierai pas.
Me Detinan murmura :
– Mais vous n’avez pas sonné… je n’ai pas entendu la porte…
– Les sonnettes et les portes sont des choses qui doivent fonctionner sans qu’on les entende jamais. Me voilà tout de même, c’est l’essentiel.
– Ma fille ! Suzanne ! qu’en avez-vous fait ? répéta le professeur.
– Mon Dieu, monsieur, dit Lupin, que vous êtes pressé ! Allons, rassurez-vous, encore un instant et mademoiselle votre fille sera dans vos bras.

p. 27-28

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4. Avenue Henri Martin

Avenue Henri-Martin, le baron d’Hautrec est trouvé mort par son domestique Charles. Antoinette, la demoiselle de compagnie embauchée depuis peu, a disparu… Ganimard arrive sur place pour analyser la scène de crime. Ses soupçons vont vers Antoinette dont une poignée de cheveux a été retrouvée dans la main de la victime.

Ganimard eut l’air embarrassé. Enfin il prononça, non sans un effort visible :
– Tout ce que je puis dire, c’est que je retrouve ici le même procédé que dans l’affaire du billet 514-23, le même phénomène, que l’on pourrait appeler la faculté de disparition. Antoinette Bréhat apparaît et disparaît dans cet hôtel aussi mystérieusement qu’Arsène Lupin pénétra chez Me Detinan et s’en échappa en compagnie de la Dame blonde. – Ce qui signifie ? – Ce qui signifie que je ne peux pas m’empêcher de penser à ces deux coïncidences, tout au moins bizarres : Antoinette Bréhat fut engagée par la sœur Auguste, il y a douze jours, c’est-à-dire le lendemain du jour où la Dame blonde me filait entre les doigts. En second lieu, les cheveux de la Dame blonde ont précisément cette couleur violente, cet éclat métallique à reflets d’or, que nous retrouvons dans ceux-ci.
– De sorte que, suivant vous, Antoinette Bréhat…
– N’est autre que la Dame blonde. – Et que Lupin, par conséquent, a machiné les deux affaires ?
– Je le crois.
Il y eut un éclat de rire. C’était le chef de la Sûreté qui se divertissait.
– Lupin ! toujours Lupin ! Lupin est dans tout. Lupin est partout !
– Il est où il est, scanda Ganimard, vexé.
– Encore faut-il qu’il ait des raisons pour être quelque part, observa M. Dudouis, et, en l’espèce, les raisons me semblent obscures. Le secrétaire n’a pas été fracturé, ni le portefeuille volé. Il reste même de l’or sur la table.
– Oui, s’écria Ganimard, mais le fameux diamant ?

p. 46-47

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5. Hôtel Drouot

Les héritiers du baron d’Hautrec mettent ses biens en vente à Drouot, notamment le diamant bleu qui a, contre toute attente, été retrouvé sur la bague que portait le baron. Deux acquéreurs s’affrontent : la comtesse de Crozon et le financier Herschmann.

– Trois cent cinq mille, répétait le commissaire… Une fois ?… deux fois… il est encore temps… personne ne dit mot ?… je répète : une fois ?… deux fois ?…
Herschmann ne broncha pas. Un dernier silence. Le marteau tomba.
– Quatre cent mille, clama Herschmann, sursautant, comme si le bruit du marteau l’arrachait de sa torpeur.
Trop tard. L’adjudication était irrévocable.
On s’empressa autour de lui. Que s’était-il passé ? Pourquoi n’avait-il pas parlé plus tôt ?
Il se mit à rire.
– Que s’est-il passé ? Ma foi, je n’en sais rien. J’ai eu une minute de distraction.
– Est-ce possible ?
– Mais oui, une lettre qu’on m’a remise.
– Et cette lettre a suffi…
– Pour me troubler, oui, sur le moment.
Ganimard était là. Il avait assisté à la vente de la bague. Il s’approcha d’un des garçons de service. – C’est vous, sans doute, qui avez remis une lettre à M. Herschmann ?
– Oui.
– De la part de qui ?
– De la part d’une dame.
– Où est-elle ?
– Où est-elle ?… Tenez monsieur, là-bas… cette dame qui a une voilette épaisse.
– Et qui s’en va ?
– Oui.
Ganimard se précipita vers la porte et aperçut la dame qui descendait l’escalier. Il courut. Un flot de monde l’arrêta près de l’entrée. Dehors, il ne la retrouva pas.
Il revient dans la salle, aborda Herschmann, se fit connaître et l’interrogea sur la lettre. Herschmann la lui donna. Elle contenait, écrits au crayon, à la hâte, et d’une écriture que le financier ignorait, ces simples mots :
Le diamant bleu porte malheur. Souvenez-vous du baron d’Hautrec.

p. 50-51

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6. Rue Boissy d’Anglas

La lettre ne mentait pas… Six mois après la vente, la comtesse de Crozon se fait voler le diamant. Il est retrouvé dans les affaires de M. Bleichen, l’un des hôtes des de Crozon qui explique la présence de la bague par une vengeance du comte. Ganimard enquête et convoque les de Crozon rue Boissy-d’Anglas. S’y trouvent également M. Gerbois, le légataire du baron d’Hautrec et M. Dudouis, le chef de la Sûreté.

Ganimard hésita quelques instants, puis prononça avec l’intention visible de frapper ses auditeurs :
– Tout d’abord j’affirme que M. Bleichen n’est pour rien dans le vol de la bague.
– Oh ! oh ! fit M. Dudouis, c’est une simple affrimation… et fort grave.
Et le comte demanda :
– Est-ce à cette… découverte que se bornent vos efforts ?
– Non, monsieur. Le surlendemain du vol, les hasards d’une excursion en automobile ont mené trois de vos invités jusqu’au bourg de Crécy. Tandis que deux de ces personnes allaient visiter le fameux champ de bataille, la troisième se rendait en hâte au bureau de poste et expédiait une petite boîte ficelée, cachetée suivant les règlements, et déclarée pour une valeur de cent francs.
M. de Crozon objecta :
– Il n’y a rien là que de très naturel.
– Peut-être vous semblera-t-il moins naturel que cette personne, au lieu de donner son nom véritable, ait fait l’expédition sous le nom de Rousseau, et que le destinataire, un M. Beloux, demeurant à Paris, ait déménagé le soir même du jour où il recevait la boîte, c’est-à-dire la bague. – Il s’agit peut-être, interrogea le comte, d’un de mes cousins d’Andelle ?
– Il ne s’agit pas de ces messieurs.
– Donc de Mme de Réal ?
– Oui.
La comtesse s’écria, stupéfaite :
– Vous accusez mon amie Mme de Réal ?
– Une simple question, madame, répondit Ganimard. Mme de Réal assistait-elle à la vente du diamant bleu ?
– Oui, mais de son côté. Nous n’étions pas ensemble.
– Vous avait-elle engagée à acheter la bague ?
La comtesse rassembla ses souvenirs.
– Oui… en effet… je crois même que c’est elle qui m’en a parlé la première…

p. 54-55

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7. Gare du Nord

Ganimard est parti sur les traces de Mme de Réal mais il ne s’agit pas de la Dame blonde. Elle lui remet une lettre d’Arsène Lupin qui dévoile son stratagème et confirme donc son implication dans l’affaire du diamant bleu. Pour faire avancer l’enquête, le comte de Crozon appelle Herlock Sholmès à la rescousse…
Arsène Lupin qui dîne avec le narrateur dans un restaurant près de la gare du Nord va avoir une petite surprise !

– Ces deux messieurs qui viennent d’entrer… vous voyez le plus grand… eh bien, en sortant, marchez à ma gauche de manière à ce qu’il ne puisse m’apercevoir.
– Celui qui s’assoit derrière vous ?…
– Celui-là… Pour des raisons personnelles, je préfère… Dehors je vous expliquerai.
– Mais qui est-ce donc ?
– Herlock Sholmès.
Il fit un violent effort sur lui-même, comme s’il avait honte de son agitation, reposa sa serviette, avala un verre d’eau, et me dit en souriant, tout à fait remis :
– C’est drôle, hein ? je ne m’émeus pourtant pas facilement, mais cette vision imprévue…
– Qu’est-ce que vous craignez, puisque personne ne peut vous reconnaître, au travers de toutes vos transformations ? Moi-même, chaque fois que je vous retrouve, il me semble que je suis en face d’un individu nouveau.
– Lui me reconnaîtra, dit Arsène Lupin. Lui, il ne m’a vu qu’une fois, mais j’ai senti qu’il me voyait pour la vie, et qu’il voyait, non pas mon apparence toujours modifiable, mais l’être même que je suis… Et puis… et puis… je ne m’y attendais pas, quoi ! …. Quelle singulière rencontre !… ce petit restaurant…

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8. Elysée-Palace

Arsène Lupin s’est directement présenté à Herlock Sholmès au restaurant. Le détective anglais l’a prévenu qu’il le ferait arrêter dix jours plus tard. Herlock Sholmès informe la comtesse de Crozon que le diamant qui a été retrouvé dans les affaires de M. Bleichen est un faux et que le vrai est en possession de Lupin. Il retourne avenue Henri-Martin pour faire ses propres recherches mais se fait piéger par Lupin qui, ayant prévu qu’il se rendrait sur place, a également fait venir Wilson grâce à une fausse lettre de Herlock Sholmès. Les deux compères se retrouvent enfermés dans la maison et sont contraints à demander l’aide de policiers qui passent dans la rue. Suite à ces péripéties, ils rentrent à leur hôtel, l’Elysée-Palace.

Une voiture les mena jusqu’à l’Elysée-Palace. Au bureau, Wilson demanda la clef de sa chambre.
Après quelques recherches, l’employé répondit, très étonné :
– Mais monsieur, vous avez donné congé de cette chambre.
– Moi ? Et comment ?
– Par votre lettre de ce matin que votre ami nous a remise.
– Quel ami ?
– Le monsieur qui nous a remis votre lettre… Tenez, votre carte de visite y est encore jointe. Les voici.
Wilson les prit. C’était bien une de ses cartes de visite, et, sur la lettre, c’était bien son écriture.
– Seigneur Dieu, murmura-t-il, voilà encore un vilain tour.
Et il ajouta anxieusement :
– Et les bagages ?
– Mais votre ami les a emportés.
– Ah !… et vous les avez donnés ?
– Certes, puisque votre carte nous y autorisait.
– En effet… en effet…
Ils s’en allèrent tous les deux à l’avenue, par les Champs Elysées, silencieux et lents.

p. 85-86

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9. Rue de la Pompe

Herlock Sholmès et Wilson retournent sur les lieux des crimes pour essayer de trouver ce qui les relie et résoudre le mystère des disparitions de Lupin et de la Dame blonde.

– Wilson, j’ai une idée… est-ce que par hasard ?…
Il ne bougeait pas, les yeux fixes, et marmottait de petits bouts de phrases.
– Mais oui, c’est cela… tout s’expliquerait… On cherche bien loin ce qui est à côté de soi… Eh parbleu, je le savais qu’il n’y avait qu’à réfléchir… Ah ! mon bon Wilson, je crois que vous allez être content !
Et laissant le vieux camarade en plan, il sauta dans la rue et courut jusqu’au numéro 25.
Au-dessus et à droite de la porte, il y avait, inscrit sur l’une des pierres :
Destange, architecte, 1875.
Au 23, même inscription.
Jusque-là, rien que de naturel. Mais là-bas, avenue Henri-Martin, que lirait-il ?
Une voiture passait.
– Cocher, avenue Henri-Martin, n° 134, et au galop.
Debout dans la voiture, il excitait le cheval, offrait des pourboires au cocher. Plus vite !… Encore plus vite !
Quelle fut son angoisse au détour de la rue de la Pompe ! Etait-ce un peu de la vérité qu’il avait entrevu ?
Sur l’une des pierres de l’hôtel, ces mots étaient gravés : Destange, architecte, 1874.

p. 93

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La rue Montchanin a été renommée rue Jacques-Bingen en 1946.

10. Malesherbes

Herlock Sholmès se rend chez Destange, qui réside dans un hôtel faisant le coin de la place Malesherbes et de la rue Montchanin. Il se présente sous l’identité de M. Stickmann, engagé pour remplacer le secrétaire de l’architecte. Il peut donc évoluer à son aise dans la demeure.

De longues minutes s’ajoutèrent les unes aux autres. Et soudain il frissonna : une ombre émergeait de la demi-obscurité, tout près de lui, sur le balcon. Etait-ce croyable ? Depuis combien de temps ce personnage invisible lui tenait-il compagnie ? Et d’où venait-il ?
Et l’homme descendit les marches et se dirigea du côté d’une grande armoire de chêne. Dissimulé derrière les étoffes qui pendaient à la rampe de la galerie, à genoux, Sholmès observa, et vit l’homme qui fouillait parmi les papiers dont l’armoire était encombrée. Que cherchait-il ?
Et voilà tout à coup que la porte s’ouvrit et que Mlle Destange entra vivement, en disant à quelqu’un qui la suivait :
– Alors décidément tu ne sors pas, père ?… En ce cas, j’allume… Une seconde… ne bouge pas…
L’homme repoussa les battants de l’armoire et se cacha dans l’embrasure d’une large fenêtre dont il tira les rideaux sur lui. Comment Mlle Destange ne le vit-elle pas ? Comment ne l’entendit-elle pas ? Très calmement, elle tourna le bouton de l’électricité et livra passage à son père. Ils s’assirent l’un près de l’autre. Elle prit un volume qu’elle avait apporté et se mit à lire.
– Ton secrétaire n’est donc plus là ? reprit-elle, comme si elle ignorait la maladie du véritable secrétaire et son remplacement par Stickmann.
– Toujours… toujours.
La tête de M. Destange ballottait de droite et de gauche. Il s’endormit.
Un moment s’écoula. La jeune fille lisait. Mais un des rideaux de la fenêtre fut écarté, et l’homme se glissa le long du mur, vers la porte, mouvement qui le faisait passer derrière M. Destange, mais en face de Clotilde, et de telle façon que Sholmès put le voir distinctement. C’était Arsène Lupin. 

p. 99-100

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11. Rue du Helder

En observant la scène, Sholmès découvre que Lupin a pris l’identité de Maxime Bermond auprès de l’architecte. Il remarque également que Clotilde, la fille de Destange, est amoureuse de Bermond. Sholmès attend que Lupin quitte la maison de l’architecte pour le prendre en filature, ce qui le mène à un restaurant à l’angle de la rue du Helder. Le détective anglais fait venir Ganimard pour procéder à l’arrestation de notre gentleman-cambrioleur.

Un coup de sifflet strident… Ganimard se heurta contre le maître d’hôtel, planté soudain en travers de la porte et qui le repoussa avec indignation, comme il aurait fait d’un intrus dont la mise équivoque eût déshonoré le luxe du restaurant. Ganimard chancela. Au même instant, le monsieur en redingote sortait. Il prit parti pour l’inspecteur, et tous deux, le maître d’hôtel et lui, discutaient violemment, tous deux d’ailleurs accrochés à Ganimard, l’un le retenant, l’autre le poussant, et de telle manière que, malgré tous ses efforts, malgré ses protestations furieuses, le malheureux fut expulsé jusqu’au bas du perron.
Un rassemblement se produisit aussitôt. Deux agents de police, attirés par le bruit, essayèrent de fendre la foule, mais une résistance incompréhensible les immobilisa, sans qu’ils parvinssent à se dégager des épaules qui les pressaient, des dos qui leur barraient la route…
Et tout à coup, comme par enchantement, le passage est libre !… Le maître d’hôtel, comprenant son erreur, se confond en excuses, le monsieur en redingote renonce à défendre l’inspecteur, la foule s’écarte les agents passent, Ganimard fonce sur la table aux six convives… Il n’y en a pas plus que cinq ! Il regarde autour de lui… pas d’autre issue que la porte.
– La personne qui était à cette place ? crie-t-il aux cinq convives stupéfaits… Oui, vous étiez six… Où se trouve la sixième personne ?
– M. Destro ?
– Mais non. Arsène Lupin !

p. 104-105

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12. Rue Chalgrin

Herlock Sholmès a réussi à suivre Lupin et sait qu’il se trouve au 40 rue Chalgrin, en compagnie d’une jeune femme qu’il soupçonne d’être la Dame blonde. Il prévient à nouveau Ganimard et ils se rendent tous deux sur place. Mais, une fois encore, Lupin a tout prévu…

Le rez-de-chaussée ne contenait que deux pièces : elles étaient vides.
– Impossible ! proféra Sholmès, je les ai vus, elle et lui.
Le commissaire ricana :
– Je n’en doute pas, mais ils n’y sont plus.
– Montons au premier étage. Ils doivent y être.
– Le premier étage est habité par les messieurs Leroux.
– Nous interrogerons les messieurs Leroux.
Ils montèrent tous l’escalier, et le commissaire sonna. Au second coup, un individu, qui n’était autre qu’un des gardes du corps, apparut, en bras de chemise et l’air furieux.
– Eh bien, quoi ! en voilà du tapage… est-ce qu’on réveille les gens… Mais il s’arrêta, confondu :
– Dieu me pardonne… en vérité, je ne rêve pas ? c’est monsieur Decointre !… et vous aussi, monsieur Ganimard ? Qu’y a-t-il donc pour votre service ?
Un éclat de rire formidable jaillit. Ganimard pouffait, dans une crise d’hilarité qui le courbait en deux et lui congestionnait la face.
– C’est vous, Leroux, bégayait-il… Oh ! que c’est drôle… Leroux complice d’Arsène Lupin… Ah ! j’en mourrai… Et votre frère, Leroux, est-il visible ?
– Edmond, tu es là ? c’est M. Ganimard qui nous rend visite…
Un autre individu s’avança dont la vue redoubla la gaieté de Ganimard.
– Est-ce possible ! on n’a pas idée de ça ! Ah ! mes amis, vous êtes dans de beaux draps… Qui se serait jamais douté !
Heureusement que le vieux Ganimard veille, et surtout qu’il a des amis pour l’aider… des amis qui viennent de loin !
Et se tournant vers Sholmès, il présenta :
– Victor Leroux, inspecteur de la Sûreté, un des bons parmi les meilleurs de la brigade de fer… Edmond Leroux, commis principal au service anthropométrique…

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13. Rue de la Paix

Sholmès retourne rue Chalgrin et tombe sur un complice de Lupin, venu effacer les traces de l’évasion du gentleman-cambrioleur et de la Dame blonde. S’il n’arrive pas à le faire parler, Sholmès trouve dans ses poches une boîte contenant des grenats et comportant une adresse : Léonard, bijoutier, rue de la Paix.

D’un bureau de poste, il avertit M. Destange, par petit bleu, qu’il ne pourrait venir que le lendemain. Puis il se rendit chez le bijoutier, auquel il remit les grenats.
– Madame m’envoie pour ces pierres. Elles se sont détachées d’un bijou qu’elle a acheté ici.
Sholmès tombait juste. Le marchand répondit :
– En effet… Cette dame m’a téléphoné. Elle passera tantôt elle-même.
Ce n’est qu’à cinq heures que Sholmès, posté sur le trottoir, aperçut une dame enveloppée d’un voile épais, et dont la tournure lui sembla suspecte. A travers la vire il put la voir qui déposait sur le comptoir un bijou ancien orné de grenats.
Elle s’en alla presque aussitôt, fit des courses à pied, monta du côté de Clichy, et tourna par des rues que l’Anglais ne connaissait pas. A la nuit tombante, il pénétrait derrière elle, et sans que le concierge l’avisât, dans une maison à cinq étages, à deux corps de bâtiment, et par conséquent à innombrables locataires. Au deuxième étage, elle s’arrêta et entra.

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14. Porte de Neuilly

Sholmès découvre que la Dame blonde n’est autre que Clotilde, la fille de l’architecte. Maintenant qu’il connaît son identité, il la force à le suivre pour la livrer à Ganimard, rue Pergolèse.

Il se frotta les mains, heureux de sentir enfin le but à sa portée et de voir qu’aucun obstacle sérieux ne l’en séparait. Et, cédant à un besoin d’expansion qui contrastait avec sa nature, il s’écria :
– Excusez-moi, mademoiselle, si je montre tant de satisfaction. La bataille fut pénible, et le succès m’est particulièrement agréable.
– Succès légitime, monsieur, et dont vous avez le droit de vous réjouir.
– Je vous remercie. Mais quelle drôle de route nous prenons ! Le chauffeur n’a donc pas entendu ?
A ce moment, on sortait de Paris par la porte de Neuilly. Que diable ! pourtant, la rue Pergolèse n’était pas en dehors des fortifications.
Sholmès baissa la glace.
– Dites donc, chauffeur, vous vous trompez… Rue Pergolèse !…
L’homme ne répondit pas. Il répéta, d’un ton plus élevé :
– Je vous dit d’aller rue Pergolèse.
L’homme ne répondit point.
– Ah çà ! mais vous êtes sourd mon ami. Ou vous y mettez de la mauvaise volonté… Nous n’avons rien à faire par ici… Rue Pergolèse !… Je vous ordonne de rebrousser chemin, et au plus vite.
Toujours le même silence. L’Anglais frémit d’inquiétude. Il regarda Clotilde : un sourire indéfinissable plissait les lèvres de la jeune fille.
– Pourquoi riez-vous ? maugréa-t-il… cet incident n’a aucun rapport… cela ne change rien aux choses…
– Absolument rien, répondit-elle.
Tout à coup, une idée le bouleversa. Se levant à moitié, il examina plus attentivement l’homme qui se trouvait sur le siège. Les épaules étaient plus minces, l’attitude plus dégagée… Une sueur froide le couvrit, ses mains se crispèrent, tandis que la plus effroyable conviction s’imposait à son esprit : cet homme, c’était Arsène Lupin.

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15. Rue Crevaux

Herlock Sholmès a été confié aux soins d’un complice d’Arsène Lupin et a embarqué pour l’Angleterre. Lupin peut s’occuper de son déménagement et récupérer son butin rue Crevaux. Enfin…

Une sonnerie coupa net son accès de lyrisme, une sonnerie aiguë, rapide et stridente, qui s’interrompit deux fois, reprit deux fois et cessa. C’était la sonnerie d’alarme.
Qu’y avait-il donc ? Quel danger imprévu ? Ganimard ? Mais non…
Il fut sur le point de regagner son bureau et de s’enfuir. Mais d’abord il se dirigea du côté de la fenêtre. Personne dans la rue. L’ennemi serait-il donc déjà dans la maison ? Il écouta et crut discerner des rumeurs confuses. Sans plus hésiter, il courut jusqu’à son cabinet de travail, et, comme il en franchissait le seuil, il distingua le bruit d’une clef que l’on cherchait à introduire dans la porte du vestibule.
– Diable, murmura-t-il, il n’est que temps. La maison est peut-être cernée… l’escalier de service, impossible ! Heureusement que la cheminée…
Il poussa vivement la moulure : elle ne bougea pas. Il fit un effort plus violent : elle ne bougea pas.
Au même moment, il eut l’impression que la porte s’ouvrait là-bas et que des pas résonnaient.
– Sacré nom, jura-t-il, je suis perdu si ce fichu mécanisme…
Ses doigts se convulsèrent autour de la moulure. De tout son poids il pesa. Rien ne bougea. Rien ! par une malchance incroyable, par une méchanceté vraiment affreuse du destin, le mécanisme, qui fonctionnait encore un instant auparavant, le fonctionnait plus !
Il s’acharna, se crispa. Le bloc de marbre demeurait inerte, immuable. Malédiction ! Etait-il admissible que cet obstacle stupide lui barrât le chemin ? Il frappa le marbre, il le frappa à coups de poing rageurs, il le martela, il l’injuria…
– Eh bien, quoi, monsieur Lupin, il y a donc quelque chose qui ne marche pas comme il vous plaît ?
Lupin se retourna, secoué d’épouvante. Herlock Sholmès était devant lui !

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