đ¶ââïžC’est reparti pour une nouvelle balade littĂ©raire sur les traces de L’admiration de Florent Marchet publiĂ© aux Ă©ditions Stock que je remercie pour cet envoi car j’ai vraiment dĂ©vorĂ© et adorĂ© ce livre !
âȘïž Le pitch :
C’est l’histoire de Bastien, un jeune garçon complĂštement fan de l’humoriste Nadia Viper dont il Ă©coute en boucle les sketchs enregistrĂ©s sur une cassette orange et qui aspire Ă©galement Ă cette carriĂšre. Un jour, il la rencontre et c’est le dĂ©but d’une amitiĂ© un peu particuliĂšre. On suit en parallĂšle leurs parcours, celui d’un humoriste en devenir et d’une humoriste sur le dĂ©clin.
đžVous le verrez, il y a un traitement un peu particulier dans les photos : la couleur bleu symbolise le personnage de Nadia, un peu sombre et inquiĂ©tant et en mĂȘme temps, enveloppant, pour faire Ă©cho au fait qu’elle prend Bastien sous son aile. Lui est symbolisĂ© par le orange, en rĂ©fĂ©rence Ă la cassette qu’il Ă©coutait sans cesse, et un orange lumineux pour Ă©voquer le feu des projecteurs qui commence Ă s’abattre sur lui.
â€ïžJ’ai mis beaucoup de coeur dans cette balade donc j’espĂšre vraiment qu’elle va vous plaire et vous donner envie de lire ce livre absolument gĂ©nial !â€ïž
Ădition utilisĂ©e
Cartographie des lieux
1. Rue de Lappe
1989
Nadia Viper ouvre la fenĂȘtre. Paris en fĂ©vrier. Un ciel dâencre mauve par endroits, imprĂ©cis et dĂ©goulinant. […] Des camions de livraison rue de Lappe. Ăa gueule dĂ©jĂ , on les entend dâici. Enfiler le grand manteau imitation vison, celui quâelle a empruntĂ© lâautre jour au thĂ©Ăątre parce quâelle avait encore paumĂ© son blouson en jean fourrĂ©. Quand elle arrive au Kiosque Ă Bulles, certains font la queue pour un paquet de Lucky, le journal ou un Tac-O-Tac. […] Elle se prĂ©cipite sur le canard, page 36, rubrique culture. Sa photo en grand avec ce titre : Nadia Viper nâa pas sa langue dans sa poche. Une belle demi-page. Le papier est signĂ© Sylvain Basson. Le type nâa pas la rĂ©putation dâun tendre. […] MalgrĂ© les tournures, les formules toutes faites, elle lit : Un souffle nouveau dans le monde de la comĂ©die, textes ciselĂ©s et grinçants, ton direct et sincĂšre, un coeur gros comme ça ou encore pairs rĂ©ussi.
p. 13-15
2. Gare d’Austeritz
En 1996, la carriĂšre de Nadia Viper est sur le dĂ©clin. Elle part Ă Vierzon pour jouer son spectacle dans la salle des fĂȘtes. Elle est hĂ©bergĂ©e chez une dame dont le fils, Bastien, est un grand fan dâelle. Lui aussi veut devenir humoriste. Ils restent en contact et Nadia le prend sous son aile. On retrouve Bastien qui vient la voir Ă Paris lâannĂ©e suivante.
Ta mĂšre a un vague cousin, Boris, qui habite Ă Paris dans le 19e, prĂšs de JaurĂšs. […] En juin, tu as eu ton brevet. Mention bien. Alors ta mĂšre appelle ce Boris, elle avait promis que tu pourrais partir seul Ă Paris cet Ă©tĂ© – Nadia Viper a toujours dit tu viens quand tu veux. […] ArrivĂ©e gare dâAusterlitz. Le train a cinq minutes de retard. Ă cĂŽtĂ© de toi, une dame avec une valise Ă©norme sans roulettes qui sent la transpi. Tu proposes de lâaider Ă descendre son bagage. Elle paraĂźt surprise. Ton corps chĂ©tif se donne du mal et une fois sur le quai un homme Ă casquette te bouscule et tâinsulte. Tu ne comprends pas. La dame Ă la valise lourde est dĂ©jĂ repartie, sans dire un mot. Enfin tu les aperçois. Ils sont venus te chercher tous les deux.
p. 57-58
3. Bar Ă NĂ©nette
Pour lâheure, on est encore samedi et tu es enfin rue de Lappe. Elle ressemble un peu Ă la rue Quincampoix. Le Bar Ă NĂ©nette est minuscule. Ambiance cafĂ©-charbon des annĂ©es 50. Nadia Viper est en grande discussion avec un type Ă queue-de-cheval, derriĂšre le comptoir. Fifi, je te prĂ©sente Bastien, mon plus vieux fan. Elle rit. Sa bouche se tord et ses gestes sont imprĂ©cis. Sans quâelle le demande, Fifi lui ressert un verre de blanc. […] Elle dit quâelle ne peut pas rester longtemps avec toi, pas plus dâune heure. Quâelle a des rendez-vous, quâil lui arrive des trucs de dingue. Mais surtout, elle va prĂ©senter Le Prix Ă payer dĂšs la semaine prochaine. Ăa va lui faire un paquet de pognon.
4. Les Bains
1998
Six mois dĂ©jĂ mais rien nâest vĂ©cu comme une formalitĂ©. Les tournages ont lieu les mardis, jeudis et vendredis. […] Les rĂ©veils restent compliquĂ©s. Nadia Viper crĂšche toujours Ă Saint-Ouen, une chance pour elle, les Studios 107 sont Ă cinq minutes en taxi. Elle aurait aussi vite fait dây aller Ă pied. La flemme. Souvent elle picole trop la veille, alors le matin elle prend un G7. Course minimum. Plus Ă dix balles prĂšs maintenant. Ă la fin des tournages, elle file au Bar Ă NĂ©nette. Plus tard dans la nuit, la Favela Chic ou le Queen. Parfois le Banana CafĂ©, ça dĂ©pend. Elle aime aussi les soirĂ©es aux Bains. […] Une ombre au tableau depuis quâelle a trente-six ans, pour la premiĂšre fois elle se sent vieille. Il faut dire quâelle frĂ©quente des endroits oĂč la nouvelle gĂ©nĂ©ration vient Ă©galement parader, ça nâaide pas. La petite bande de Nova, Jamel ou encore les trublions Omar et Fred. Sentiment dâĂȘtre snobĂ©e. Elle ne va quand mĂȘme pas leur parler du Prix Ă payer.
p. 67-68
5. L’Olympia
Câest la premiĂšre fois que tu sĂšches le lycĂ©e. […] Mais lĂ , vous nâavez pas le choix. Nadia Viper en lever de rideau, cela signifie une entrĂ©e sur la scĂšne de lâOlympia Ă 20 heures. Peu de trains sur lâaxe Paris-Limoges et la seule arrivĂ©e valable est dans lâaprĂšs-midi. […] Devant le rideau, une poursuite de lumiĂšre dĂ©coupe une tĂȘte Ă©trange, inquiĂ©tante, les cheveux rouges, lunettes bleues. Nadia commence par La voyante cancĂ©rologue. Tu es déçu, tu attendais un nouveau sketch. Tu penses Ă la cassette orange. La voix Ă©tait moins serrĂ©e, moins volontaire. Tu prĂ©fĂ©rais. Le public rĂ©agit mollement et ta mĂšre te prend la main, la serre. Vingt petites minutes et pourtant ça te semble long. Des histoires agencĂ©es comme des patchworks, suintant le rĂ©chauffĂ©. Rien de nouveau Ă part le dernier sketch qui nâest dâailleurs pas le meilleur.
p. 95-98
6. Le Trempoint
An 2000. Bastien sâest installĂ© Ă Paris et il suit des Ă©tudes Ă lâuniversitĂ©. Il voit rĂ©guliĂšrement Nadia qui lâaide Ă Ă©crire des sketchs.
Un DEUG Arts du spectacle, ça ne peut pas mener bien loin de toute façon. Ă part les cours sur lâindustrie du spectacle, rien de trĂšs passionnant non plus. Tu nâattends pas grand-chose de ton parcours Ă©tudiant et tu aurais prĂ©fĂ©rĂ© entrer au Cours Florent mais ce nâĂ©tait pas donnĂ©. Ă moins de rĂ©ussir lâentrĂ©e en classe libre. Tu as appris son existence un peu tard. Tu tenteras ta chance lâan prochain. Pour le moment, câest le Trempoint qui tâintĂ©resse. Cette scĂšne dĂ©couverte du Point virgule fait passer des auditions rĂ©guliĂšrement. Anne Roumanoff a commencĂ© lĂ -bas. Nadia Viper connaĂźt lâendroit. Elle tâa prĂ©venu : public peu nombreux et intraitable – payĂ© pire quâau lance-pierre – câest au chapeau.
p. 117
7. Moulin rouge
Bastien et Nadia vont assister Ă lâenregistrement dâune Ă©mission de Laurent Ruquier au Moulin Rouge.
Pour un peu vous ratiez lâheure. Monter Ă toute vitesse les marches du Moulin Rouge en ricanant. Le public dĂ©jĂ installĂ©. On vous presse sur le gradin qui ceinture le plateau. […] ArrivĂ©e du prĂ©sentateur, allure rapide et assurĂ©e. Laurent Ruquier est plus Ă©lancĂ© quâĂ la tĂ©lĂ©. Câest un grand dadais, je te lâavais dit Bastien. Bouge pas, je vais le saluer. Le chauffeur de salle fait signe Ă Nadia Viper de rester Ă sa place mais Laurent Ruquier sâavance vers elle, le corps entier stupĂ©fait et la main devant la bouche, sâesclaffant par saccade. Ils sâembrassent, Ă©change expĂ©ditif. […] Dans le mĂ©tro qui sent le vieux pneu surchauffĂ©, tu oses : Il tâa dit quoi Ruquier ? Rien, des conneries. Que mon truc câĂ©tait la scĂšne, les petits cabarets. Aussi que le mĂ©tier avait changĂ©. Que chroniqueuse câĂ©tait pas pour moi, que je mâemmerderais vite. Quâil fallait surtout pas lĂącher. Attendre que le vent tourne. Le con. Ăa pour lĂącher, on va pas lĂącher mon Bastien.
p. 130-133
8. Les Halles
2002
– AllĂŽ ? AllĂŽ ? Tu mâentends Nadia ? Oui ? Je tâappelle des Halles. Avec mon portable. Mon Nokia. Câest trop la classe.
Les Halles par cette chaleur, tâes courageux. Ils ont annoncĂ© 35 ° C aux infos.
Je fais les magasins. Je vais essayer de trouver des baskets, tu sais les Air Max. Celles que Jamel avait Ă Nulle part ailleurs.
Tu dois me confondre avec quelquâun que ça intĂ©resse. On se voit bientĂŽt ? Ou tu passes toutes tes soirĂ©es avec des stars ?
Tu parles, câest toi ma star, ma Barbie Ă lunettes bleues. Dis, tâas pas oubliĂ© pour ce soir ?
âŠ
Tu te rappelles, je joue ce soir. Tu mâas dit que tu venais.
Ah merde câest vrai. Je suis Ă la ramasse total. Impossible. Jâai un dĂźner. Pas nâimporte quoi. Avec le gars qui a produit Le GoĂ»t des autres. Câest plutĂŽt du sĂ©rieux.
[…]
Il nây a pas plus de dĂźner que de producteur. Les Air Max de Jamel, la perspective dâune soirĂ©e se terminant au Rendez-Vous des Amis, la gueule de Jean-François DĂ©rec avec son bonnet rouge flanquĂ© dâun quelconque clampin de la tĂ©lĂ© qui lui colle au train, il faudrait plus dâĂ©nergie et de bonnes nouvelles cette semaine pour supporter ça.
p. 140-141